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Sanaga maritime : les populations chassent Socapalm

Les communautés riveraines des villages Apouh à Ngong, Dehane, Ongue et Koukoue se révoltent contre les violations de leurs droits par cette agro-industrie qui multiplie des promesses non tenues, et exigent son départ.

La conférence de presse organisée le 13 novembre 2024 à Yaoundé a servi de tribune aux habitants des villages pour dénoncer ces violations. Ils reprochent au géant producteur d’être uniquement guidé par ses objectifs économiques, étendant les limites de sa concession au point de priver les communautés riveraines de terre. Une situation qui, selon le réseau, a fortement dégradé les rapports entre ces communautés et l’entreprise.

Des droits bafoués et des promesses non tenues

« Comme vous avez pu le constater, les palmiers poussent sur le cimetière, y compris sur la tombe de notre défunt chef. Nous ne pouvons pas respirer de l’air frais, car la lagune où ils déversent leurs déchets de l’usine pollue l’air et tue également tous les poissons de la rivière », a rapporté Bedime Bedime, le Chef du village de Koukoue.

Lors du processus de replantation en 2023, la communauté avait pourtant supplié l’entreprise agro-industrielle de ne pas planter sur leur cimetière sacré de Song-Yatjeke. Ces propos du garant de la tradition sont amplifiés par la présidente des femmes résidant : « Nous avons pris la résolution de faire entendre notre voix en tant que femmes et de lutter pour reprendre nos terres », a-t-elle déclaré. Au rang des dénonciations figurent les abus continus des droits fonciers, l’exploitation des sites sacrés, l’occupation abusive des habitations, le déversement des eaux usées et la pollution des rivières.

L’exclusion des riverains

En outre, la violation des droits humains est également présente, à travers l’exclusion des riverains dans la prise de décisions concernant leur localité et le refus de Socapalm d’embaucher leurs fils. Dans le village Apouh à Ngong, l’enquête signale quelques cas de violences, de viols et autres abus sexuels subis par les femmes dans les plantations.

Le 25 septembre 2024, le Réseau des acteurs du développement durable (Radd) a publié un rapport sur les abus dans les villages riverains de la Société camerounaise des palmeraies (Socapalm). Cette étude retrace le vécu des populations d’Apouh à Ngong, Dehane, Ongue et Koukoue, quatre villages du département de la Sanaga maritime, région du Littoral. C’est en sa qualité d’association camerounaise de droit commun que le Radd a tenu à réaliser cette enquête, pour interpeller les pouvoirs publics et l’opinion internationale sur ce qui s’apparente à une véritable violation des droits de l’Homme.

Biodiversité détruite

D’après l’étude, 96,84% des communautés indiquent que, du fait de la non-réalisation des promesses qui leur sont faites, les relations avec Socapalm ne sont pas bonnes. Yvan Lionel Youmsi Eya, juriste, précise : « Nous avons constaté qu’il y avait une violation des droits. L’enquête a été menée selon une méthodologie quantitative sur 141 personnes, 51% d’hommes et 49% de femmes. Les populations les plus jeunes ont été moins ouvertes sur la situation avant la Socapalm. Pour les plus âgés, la situation était bonne avec l’accès aux terres et aux ressources (93%) ».

« Par ailleurs, ajoute le juriste, les déchets déversés dans l’eau entraînent la disparition de la biodiversité et la difficulté pour les populations à se nourrir. Les rapports avec Socapalm sont tumultueux. Certains villages n’ont que 5% d’espace vital. Elles n’ont pas le droit d’accéder aux plantations ou de ramasser la moindre noix de palme de peur d’être traînées en justice. 88% de personnes ignorent le contrat de bail et 98% n’y trouvent aucun intérêt. Il n’y a pas de terres cultivables. Lorsqu’elles existent, il faut aller les trouver à 17 kilomètres, payer une moto à 3000 FCFA au moins, pour se faire transporter et pouvoir rentrer avant 17 h, de peur d’être bloqué dans son champ par la barrière de l’agro-industrie. »

Sur les faits d’accusation, la société avait soutenu en juin 2024, à nos confrères du média Mongabay, qu’elle n’exerce que dans le respect de la réglementation. Socapalm dispose d’une concession foncière de 58 063 Ha et dont le chiffre d’affaires relatif à la vente de l’huile de palme a été estimé à 77 178 955 000 FCFA en 2023.

Marcial Nzemie