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Désinformation en Afrique centrale : la revalorisation du journalisme de qualité comme panacée

Des journalistes d’Afrique centrale se réunissent à Yaoundé, la capitale camerounaise, pour lutter contre la désinformation sur internet. À l’issue de deux jours de formation en éducation aux médias, ils s’engagent à promouvoir un journalisme de qualité, dans le but de mieux éclairer les consciences et renforcer la démocratie dans une région en pleine secousses numériques.

« La journée d’hier, qui a commencé timidement, s’est avérée être très belle par la suite, surtout quand nous avons entamé les sessions sur l’éducation au numérique avec Blaise Pascal Andzongo, dirigeant d’Eduk-média au Cameroun, et Desmond Ngala de Defyhatenow. » Dans une ambiance ludique, ce matin du samedi 5 avril 2025, dans la salle baptisée Mezzanine de l’Unesco à Yaoundé, Elise Kenimbeni, journaliste et vice-présidente du SNJC, rappelle deux points marquants des travaux de la veille. Trois autres historiens du présent du continent africain se prêtent également à cet exercice de récapitulation très décontracté et amusant, grâce aux tours de passe de balle pour désigner celui ou celle à qui donner la parole. Tous reviennent sur la nécessité de mettre en place des stratégies de lutte contre la désinformation et la mésinformation sur Internet, abordées 24 heures auparavant dans la même pièce.

Journalisme de qualité

En effet, une quinzaine de professionnels des médias, membres d’associations et syndicats en Afrique, ont bénéficié de deux jours de formation en éducation aux médias et à l’information en faveur d’un journalisme de qualité en Afrique centrale. Comme le dit Jean-Claude Coulibaly, membre du comité exécutif de la Fédération africaine des journalistes, « un peuple désinformé est un peuple en danger, un peuple qui est dans l’obscurantisme, alors que le rôle du journaliste est d’être une lumière, d’être un éveilleur de consciences ».

Jean-Claude Coulibaly, Journaliste ivoirien accorde une interview à la presse camerounaise.

« Apprendre, connecter, plaider et innover. C’est à cela que renvoie notre travail en matière d’éducation aux médias et à l’information », affirme Serge Banyimbe, chef du secteur communication et information au sein de l’Unesco Afrique centrale, en guidant les participants à la formation sur le site d’information de l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture, afin de leur présenter les stratégies et outils développés par l’organisme spécialisé pour la promotion de l’éducation aux médias et à l’information. « Nous développons des contenus et des ressources qui doivent permettre à chacun de mieux comprendre ce qu’est l’éducation aux médias et à l’information, de mieux se l’approprier et de mieux l’enseigner », explique-t-il.

Dans les médias traditionnels, mais surtout sur les réseaux sociaux

En cette année 2025, plusieurs pays d’Afrique centrale vont organiser des élections, période charnière de manipulation et de propagation de fausses nouvelles. Pour faire face à cela, il est judicieux de renforcer les capacités, surtout à l’ère du numérique. « Nous avons compris que même les journalistes qui pratiquent un journalisme de qualité doivent développer leur capacité à produire des contenus digitaux », mentionne Serge, qui a justement abordé durant ces deux jours comment être journaliste d’un média classique tout en étant un producteur de contenus digitaux influents, avec les compétences, les connaissances et les éléments de déontologie qui caractérisent un journaliste professionnel.

Il existe un régulateur en République du Congo, le Conseil supérieur de la liberté de communication, qui fait son travail, certes, mais aujourd’hui, avec l’ampleur des médias sur les réseaux sociaux, cette tâche n’est pas facile. » Christine Nathalie Foundou, journaliste et syndicaliste

Une véritable aubaine, puisque la désinformation et la mésinformation se propagent beaucoup plus sur les réseaux sociaux dans les États représentés à cette rencontre. « Par exemple, il y a cette plateforme sur les réseaux sociaux appelée Braza-News, informe Christine Nathalie Foundou, journaliste à la télévision publique nationale congolaise. Braza-News publie des informations pratiquement tous les jours. Et chaque jour, ce média se permet de mettre en avant des photos de personnalités publiques ou privées en les accusant de vol, de viol ou de dilapidation de fonds. Après vérification, on se rend souvent compte que ce n’est pas le cas. »

Avoir la conscience technique…

L’objectivité et la responsabilité sont souvent mal respectées dans les médias sociaux, car les créateurs de contenu n’ont aucune maîtrise du processus de fabrication de l’information propre aux journalistes. « Ils produisent des contenus digitaux, atteignant une large audience, sans avoir la moindre formation, sans conscience technique ou sociale de l’influence qu’ils exercent et de ce qu’ils diffusent », insiste le chef du secteur communication et information à l’Unesco Afrique centrale.

Serge Banyimbe, chef secteur communication et information à l’Unesco

La chose la plus préoccupante, comme cela a été noté durant ce séminaire, est que ces délinquants d’un autre genre sont souvent qualifiés de journalistes dans les différents pays réunis à Yaoundé. Pourtant, cette noble profession est codifiée, s’adosse sur la loi, mais aussi sur l’éthique et la déontologie. « Nous faisons l’effort de respecter, dans la pratique de notre métier, ce cadre juridique, mais ce n’est pas le cas pour les autres », martèle Jean-Claude. Avant d’ajouter que « c’est pourquoi nous devons véritablement nous investir davantage sur les réseaux sociaux, avec du contenu vidéo et des publications de qualité, car c’est nous qui pouvons le faire, avec des productions qui apportent la sérénité au sein de la société, et non qui jettent le feu comme cela arrive parfois, dans l’émotion. » La désinformation et la mésinformation apparaissent donc comme une question de sécurité qui affecte la société toute entière.

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Le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), à l’Esstic à Yaoundé.

À l’issue des assises, des engagements ont été pris et une déclaration a été conçue, devant conduire au plan d’action d’Afrique centrale aboutissant aux activités de la Fédération des journalistes d’Afrique centrale.

Arnaud Kevin Ngano