Diane Yangwo, assassinée de nouveau par une décision de justice fantaisiste qui marquera à jamais les annales
La Coalition camerounaise contre les violences faites aux femmes et aux filles se joint à l’ensemble des camerounais pour protester contre la décision du tribunal de grande instance du Wouri dans le Littoral, concernant l’affaire Diane Yangwo. « Cinq ans d’emprisonnement avec sursis de 5 ans et de 52 000 F CFA d’amande à verser au trésor public », une « décision fantaisiste » pour un assassinat avec préméditation au regard des circonstances qui entourent ce décès. Le vendredi 4 avril dernier, le collectif des organisations de la société civile est monté au créneau à Yaoundé pour s’insurger contre ce qu’elle qualifie d’injustice. La ministre de la promotion de la femme et de la famille a assisté à cet événement ponctué par trois moments important : d’abord la déclaration, ensuite la remise solennelle de la correspondance adressée au chef de l’Etat à la Minproff et enfin la cérémonie consistant à lâcher des colombes, pour le repos de l’âme de Diane Yangwo.
L’intégration de la déclaration ci- dessous
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DECLARATION DE YAOUNDE PAR LA COALITION CAMEROUNAISE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FILLES ET AUX FEMMES (COCAVFFF)
Yaoundé, Franco Hôtel, le 4 avril 2025
Madame le Ministre, Honorables Parlementaires, Chers membres de la famille de Diane YANGWO, Mesdames et messieurs,
Nous sommes en deuil ! Il y a 16 mois, nous avons fait le deuil de Diane YANGWO, tuée par les coups de son époux, le tristement célèbre BEKOBE Eric. Nous ne nous imaginions pas, que 16 mois après, nous serions à nouveau assassinée, par la justice, auprès de laquelle nous pensions avoir trouvé un rempart.
Depuis le prononcé du verdict du Tribunal de Grande Instance du Wouri, la clameur qui monte de notre société réprouve cette décision, cette peine fantaisiste accordée au bourreau de Diane YANGWO. Alors que nous trouvions dans cette clameur le soutien naturel l’expression de la douleur d’une population blessée, un son de cloche tonitruant, prend le pas et tente de nous faire croire que notre indignation est exagérée, parce que la juge aurait simplement appliqué la loi. Cette tribune nous permet donc de rendre compte, à la conscience collective, de notre colère, pour qu’ensemble, nous nous interrogions sur la place à réserver à cette décision de justice qui marquera les annales.
En effet, le 14 novembre 2023, l’accusé BEKOBE Eric a battu à mort son épouse Diane YANGWO, avant de la trimballer quasi inconsciente dans la malle arrière de son véhicule. C’est suite à l’intervention de quelques témoins oculaires qu’il la conduira dans un premier temps à la Clinique ZABALE de YASSA, avant de la faire admettre à l’hôpital Gynéco – obstétrique de Douala.
Interpellé et placé en garde à vue, BEKOBE Eric selon diverses sources concordantes, a d’abord simulé la démence avant de se raviser pour plaider coupable, le 4 février 2025 des faits de coups mortels. À la surprise générale, l’assassin ne sera pas condamné à de la privation de liberté, il écope de 05 ans de prison avec sursis de 5 ans et de 52.000 frs CFA d’amende. Par jugement rendu le 1er avril 2025, le Tribunal de Grande Instance du Wouri, dans la cause opposant le Ministère Public et les Ayants – droit de Diane YANGWO, a déclaré ce dernier coupable des faits de coups mortels en le condamnant à 5 ans de prison avec sursis pendant 5 ans et à 52 000 F CFA d’amende à reverser au trésor publicEn d’autres termes, le Tribunal de Grande Instance du Wouri estime qu’un homme qui frappe à mort une femme, trimballe son corps dans la malle arrière de sa voiture, ne mérite pour seule sanction que la menace d’être enfermé, s’il vient à tuer à nouveau. Et quelle est sa sanction pour celle qu’il a tuée ?
Madame la Ministre, nous vous le demandons aujourd’hui ! quelle est la sanction de celui qui a tué son épouse ? on nous dit que la juge a appliqué la loi. On nous dit que nous ne sommes pas outillés intellectuellement pour comprendre le travail des juges. Plus grave, il se dit que Diane YANGWO a mérité ce qui lui est arrivé parce que, sachant son mari violent, elle ne l’a pas quittée lui, avec qui elle avait 3 enfants. Autrement dit la faute est celle de Diane. BEKOBE Eric n’a commis aucune faute. La société accuse Diane. La justice estime que le bourreau de Diane ne mérite pas de sanction et qu’il ne pourra être puni que s’il tue à nouveau.
Eh oui ! BEKOBE Eric a été puni. Il a été puni à payer 52.000 F CFA au Trésor public pour avoir tué Diane. C’est le prix de la vie de Diane ! Quelle cruauté ! Quel manque de charité ! Nous raconterons ce verdict à ses enfants quand ils auront l’âge de la raison. Ceux qui ont la mémoire courte pensent qu’il suffit de griffonner une décision dans le silence d’un couloir et venir la lire. Ils s’imaginent qu’une fois que c’est lu, l’histoire s’arrête. Hélas non. Le sang des morts partis injustement crie vengeance et se répand dans les artères de la vie des bourreaux et de leurs complices, au rang desquels ces juges qui ne se mettent pas à la place des victimes.
Diane vient à nouveau d’être assassinée !
Assassinée par la justice ! Assassinée par la loi qui prévoit qu’un juge puisse souverainement décider de ne pas punir un meurtrier en jouant avec la qualification des faits.Notre indignation va donc au-delà de la décision de justice. Notre indignation est aussi celle de la loi, cette loi inhumaine qui tue les morts et nargue le peuple.
Mesdames les parlementaires,
Nous savons que des travaux sur l’élaboration d’une loi contre les violences faites aux femmes et aux filles ont considérablement avancé. Où est notre loi qui permettra de punir les criminels ? Qu’est ce qui bloque ? Le nombre de morts attendu pour sa promulgation n’est – il pas encore atteint ? Combien de Diane et de décisions de justice assassines devront nous comptabiliser avant que celle – ci soit promulguée ?
Il y a urgence ! Agissons ! Trop c’est trop ! Nous sommes fatigués ! Il faut arrêter la saignée. Il faut stopper la prolifération d’orphelins dont l’éducation n’est pas toujours garantie. La décision de sursis du Tribunal de Grande Instance du Wouri est peut être légale comme le disent ses défenseurs, mais elle est injuste. Si le rôle du juge est simplement de réciter la loi, il ne sert à rien. Il est là pour rendre justice, c’est tout le sens de son serment. En l’état cette décision est injuste et le Ministère public qui l’a senti, car constitué de magistrats, a relevé appel. Qu’il en soit très sincèrement remercié. Cet appel nous apporte de l’apaisement et nous rassure sur le fait qu’il n’y a pas d’un côté les femmes et les familles qui pleurent, tandis que de l’autre, la justice les nargue.
Notre souhait est que la justice de notre pays soit humaine afin que l’auteur de ce féminicide soit condamné à la hauteur de son crime par la Cour d’Appel du Littoral. Nous demeurons confiants en la justice de notre pays. Nous suivrons particulièrement ce procès. La mort de Diane ne doit pas être vaine. Elle doit servir de levier pour l’intensification de la lutte contre les féminicides à punir de manière exemplaire.
Nous appelons l’implication de tous les acteurs dans la mise en œuvre de mesures concrètes pour lutter contre les violences conjugales, notamment la sensibilisation du public, la formation des forces de l’ordre et des magistrats, et la création de structures d’accueil et d’accompagnement pour les victimes, en insistant sur l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes et aux filles afin de reconnaître la gravité de ces crimes et de prévoir des sanctions adaptées.
C’est sur cette note d’espoir que je voudrais conclure mon propos en criant avec toute la force de mes tripes.
JUSTICE POUR DIANE YANGWO