Extrême-Nord : les communautés locales s’opposent à la création du Parc Ma Mbed Mbed
Dans une lettre adressée à Midjiyawa Bakari, le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, le 8 février 2025, les Toupouris expriment leur profonde colère face à ce qu’ils considèrent comme une décision arbitraire et dangereuse, s’opposant à la mise en œuvre de cette aire protégée qui s’étend sur une superficie de plus de 12.000 hectares.
Créé en 2020 par décret présidentiel, le projet, censé contribuer à la lutte contre le changement climatique et à l’insertion socioprofessionnelle, est aujourd’hui au centre d’une controverse. Dans leur correspondance, les Toupouris écrivent : « Les éléphants ne font pas de distinction entre ethnies, religions ou professions. Leur présence est une menace pour tous, y compris le camp du BIR, situé à moins de 12 km. Si l’État s’entête, l’extermination des éléphants deviendra inévitable. »
Ces populations, qui vivent principalement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, reprochent au gouverneur d’avoir faussement déclaré sur les antennes de la Crtv que la tension était apaisée et que leurs revendications étaient insignifiantes. « Vous avez corrompu la journaliste Nicole Massaï de la Crtv pour dire que vous avez réglé le problème », accusent-ils dans leur lettre.
Réaction de l’autorité
Lors de sa descente sur le terrain le 7 février 2025, suite à une manifestation des populations contre ce projet, Midjiyawa Bakari a expliqué que l’idée de création du parc national de Ma Mbed Mbed date de 1960, époque à laquelle il n’y avait que deux villages dans cette banlieue de Guidiguis, à savoir Kourbi et Torok. Outre les acteurs politiques et les habitants impactés par le projet, le maire de Kaélé, Jean Nkrumah, et son homologue de Guidiguis, Bello, ont tous formulé une seule doléance au ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji : l’annulation pure et simple du décret du Premier ministre de 2020 portant création dudit parc. « Le président de la République tranche toujours dans le sens de l’intérêt général », a rassuré le Minat dans les colonnes du quotidien Cameroon Tribune du jeudi 13 février 2025.

Selon le Pr Ngoussandou Bello Pierre, Coordonnateur National de Jag Sir, Association nationale culturelle Toupouri, « la communauté Toupouri estime qu’il s’agit d’un complot contre leurs terres et leurs vies. Les éléphants ne font pas de distinction entre ethnies, religions ou professions. Leur présence est une menace pour tous, y compris le camp du BIR à moins de 12 km. Des ravisseurs sévissent régulièrement à Taibong et Guidiguis avant de se réfugier dans une aire protégée au Tchad. L’extension de cette zone avec le nouveau parc aggraverait l’insécurité. Le gouvernement doit reconnaître son erreur et retirer le décret pour apaiser les tensions. Au vu de la détermination des populations, si l’État s’entête, l’extermination des éléphants deviendra inévitable. »
Ce que pense l’ONG Greenpeace
Pour Greenpeace Afrique, ces conflits permettent de se rendre compte la nécessité de garantir le consentement libre, informé et préalable (CLIP) des populations locales dans la mise en œuvre de projets de grande envergure. « Lorsqu’une décision est prise sans leur consentement libre, informé et préalable, cela peut malheureusement conduire à des situations aussi délicates que celle-ci », a déclaré Dr Lamfu Fabrice. Tandis que les Toupouris attendent une réponse du gouvernement depuis Yaoundé, la tension reste palpable dans l’Extrême-Nord.

La région de l’Extrême-Nord est déjà confrontée à de nombreux défis majeurs, affectée par des vagues d’inondations, l’insécurité alimentaire, des incursions de ravisseurs, des conflits hommes-faune et l’accaparement des terres. De plus, cette manifestation vient s’ajouter à celle qui a eu lieu il y a quelques semaines dans la région du Sud, menée par les populations riveraines au projet Camvert dans la localité de Campo. Ces dernières sont descendues dans les rues pour demander la révision du cahier de charge par la Compagnie. En effet, selon les populations, ce document ne prend pas suffisamment en compte leurs droits.
Marcial Nzemie