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Tourisme sexuel à Kribi : l’activité n’émeut plus

Le travail du sexe apparaît comme étant un phénomène à la mode à Kribi. Même les jeunes filles les plus insoupçonnées à première vue, sont passées championnes dans ce métier qui fascine les touristes. 

Victoire , 15 ans, ne va plus à l’école depuis deux ans. Chaque soir après 23 heures , elle quitte le domicile familial au quartier Ndombe petit stade, pour se rendre au célèbre Carrefour Kingue, l’un des endroits les plus bouillants de la ville de Kribi. « Je fais la vie du dehors. C’est grâce à ça que je vis », lance la jeune fille, vêtue de mini-robe moulante noire, mettant en valeur ses formes. Elles sillonnent presque toutes les boîtes de nuit et snacks du coin, à la recherche des clients.  

Comme elle, plusieurs autres filles procèdent de la même manière chaque nuit dans cette ville balnéaire. D’ailleurs, elles prétendent savoir allier « méthode et tact » pour « réussir » dans leur travail.« Quand j’entre en boîte, je m’assoie, j’achète une bière, et pendant que je suis en train de boire, un gars vient vers moi, puis on part tirer, et il me paie », explique Jeanne, qui avoue avoir été introduit dans ce milieu par sa tente.

Cette orpheline de mère, n’a jamais connu son père. Elle ne prend pas moins de 5 000 F CFA par client. « La somme qu’il me donne, dépend de ce qu’on a conclu. 5 000 ou 10 000 F CFA, pour une heure de temps maximum », précise-t-elle.

Pauvreté

Les mauvaises conditions de vie, sont à l’origine de la prolifération du travail du sexe dans le chef-lieu du département de l’Océan, affirment-elles facilement. Angèle en a pris goût, au point où elle ne peut plus abandonner : « J’ai vu que la prostitution donne beaucoup d’argent. Ça me permet de m’entretenir, de subvenir à mes besoins, à ceux de mes petites sœurs et de mes parents aussi » .

Sa cible : les personnes nantis, mais prioritairement les blancs. « Je ne fais pas la prostitution avec n’importe qui. Je fais avec ceux qui peuvent me donner assez d’argent. Le blanc par exemple peut me donner des euros ou des dollars. Les blancs paient mieux que les noirs » , déclare-t-elle.

Elle ajoute qu’ « en une nuit, je peux gagner 200 000 F CFA , voire même plus ». Visiblement intelligente, Angèle a également des ambitions . « J’ai beaucoup de projets : construire ma propre maison par exemple, ouvrir des petits kiosques, des restaurants, qui peuvent aussi me permettre de multiplier mon argent » , révèle-t-elle en souriant.  

Toutes ces filles travailleuses de sexe, sont aidées dans cette tâche, par des jeunes garçons qu’on appelle ici, «  passeurs  » (en réalité, ce sont des proxénètes d’un autre genre). Ils mettent des filles à la disposition des hommes souhaitant se soulager sexuellement contre des billets de banque.

Au centre du plaisir: « Petit choco »

Le prénommé Prince , alias « Petit choco » en est un, depuis bientôt 4 ans. « Tout le monde m’aime, tout le monde me confie tout, surtout les femmes hein ! », confie-t-il. La chaîne au cou, les poignés et quelques doigts ornés de bijoux, « Petit choco » « est toujours très propre », mentionnent des filles au Snack-bar 5 sur 5. 

« Dans les boites, quand je trouve une fille à un mec, on me donne quelque chose comme 5 000 F CFA et 3 bières. Je vais de snack en snack, de boîte de nuit en boîte de nuit et c’est comme ça que je pointe chaque soir » , détaille le jeune homme .

La nuit, « Petit choco » peut se rendre dans 4 ou 5 boîtes de nuit ou snack. Ce qui lui permet de rentrer le matin avec environ 25 000 F CFA quand il n’a pas assez gagné, et 40 000 frs CFA parfois, lorsque le travail a été fructueux, fait-il savoir. « J’ai tout genre de fille. A partir de 13 ans , jusqu’aux grandes sœurs et mères » , s’en vante-t-il. Il poursuit : « Samedi passé par exemple, j’ai branché un monsieur de peut-être 40 ans , sur une fille de 13 ans, que je connais bien. Je connais son âge. Il m’a donné 5 000 frs CFA et j’ai eu un gros njoh » . Même s’il soutient qu’il leur prodigue souvent des conseils.

Sensibilisation et éducation

Nombre de filles qui se livrent au commerce du sexe à Kribi , sont récupérées par le Centre de promotion de la femme et de la famille, pour être formées et réin sérées dans la société ou dans la famille. « Chaque année, nous recevons des filles qui font dans la prostitution, et qui veulent abandonner », signale Léon Dechanel Ngono, directeur du centre de promotion de la femme et de la famille, et Conseiller spécial de jeunesse et d’animation.

Quotidiennement, elles suivent toutes des formations précises. Seulement, certaines ne réussissent pas à abandonner les vieilles habitudes. C’est ce qu’affirme le directeur du centre en ces mots : « on a beau chasser la nature, elle revient toujours au galop. Il y en a qu’on retrouve encore dans ces milieux là. Ça prend souvent beaucoup de temps, si elles se trouvent en nous des confidents ».  

Mettre fin au travail du sexe ?

Le phénomène est si présent et pressant, que la société civile a décidé de l’adresser. L’association de promotion et d’assistance à la femme, fait les pieds et les mains, pour mettre fin au travail du sexe à Kribi. « Nous avons recensé près de 300 jeunes filles travailleuses de sexes l’année dernière », dévoile Véronique Folak Sijou, présidente de l’Association de promotion et d’assistance à la femme.

Grâce aux séances de sensibilisation et de formations, cette association a déjà réussi à sortir une vingtaine de travailleuses de sexe du monde de la nuit, à en croire la présidente. Pendant que certaines sont aujourd’hui paire éducatrices, d’autres font dans la restauration, la teinture du textile et la santé communautaire.

Activités banale

Kribi étant une ville de découverte, le tourisme sexuel semble être donc devenu une activité banale et bien entretenue par des personnes tapis dans l’ombre. C’est ce qu’on peut croire, en écoutant Léonel Ngali, professeur de Lycée d’enseignement général, et cadre d’appui à la délégation de la promotion de la femme et de la famille de l’Océan, quand il pense que « tout est fait pour que ça se perpétue  ». Selon lui, il faut mener une action concertée pour résoudre le problème. « Il faut mobiliser, mettre en place un certain nombre de projets de sensibilisation sur les dangers de cette pratique ». 

Il y a pourtant trois associations qui y travaillent depuis plusieurs années sans véritable succès. L’implication de toutes les forces vives pourrait peut -être changer la donne, étant donné que la prostitution est insidieuse à Kribi, elle se développe dans des maisons et des quartiers.

Arnaud Kevin Ngano